Shinjuu
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Ou le suicide romantique
Moins connu en Occident
que le Seppuku,
le Shinjuu est une forme de suicide romantique à la Roméo et Juliette.
Il est le sujet de prédilection du théâtre Kabuki et du
Bunraku (théâtre de marionnettes). Le même décor historique est souvent
mis en scène : celui de la période Tokugawa. Le gouvernement
militaire prit des mesures visant à préserver l'idéal du code samurai
des basses considérations matérielles face à l'influence grandissante
des marchands. Les lieux de cantonnement militaires furent
séparés physiquement des quartiers commerciaux. Les Samurais se
voyaient aussi interdire toute possession immobilière. Dans un effort
d'isoler la vertu, les quartiers des plaisirs furent cantonnés à la
lisière des grandes villes. Les jeunes filles y étaient vendues. Ces
infortunées étaient licenciées à vie. Toutefois, des passions ne
manquaient pas de se développer entre des prostituées et des Samouraï.
L'amour n'avait alors que deux issues : l'une était de réunir
l'argent nécessaire pour affranchir la jeune fille ; l'autre
était Shinjû, le double suicide amoureux qui réunit les amants dans la
mort. A l'époque, les pièces de Kabuki contant ce type de tragédies
amoureuses eurent tellement de succès qu'elles firent des émules. Le
nombre de Roméos et de Juliettes fut tel, que le gouvernement dut
prendre des mesures pour interdire la pratique : toute
cérémonie funéraire était entre autre interdite pour les amants ayant
commis Shinjû, et les corps étaient laissés à la vue des passants. Ce
fut la seule période dans l'histoire du Japon pendant laquelle le
suicide fut considéré comme illégal.
De
nos jours, les causes sont souvent moins romantiques, mais toute une
catégorie de suicides présente une certaine parenté avec la période
Tokugawa. Ils possèdent tous une caractéristique commune : les
participants expriment par leur acte une sorte de pulsion fusionnelle.
Outre le suicide amoureux, ils incluent
« oyako-shinjû » ou le suicide
parent-enfant ; le « boshi-shinjû » ou
mère-enfant ; le fushi-shinjû ou père-enfant ; et le
« ikka-shinjû », le suicide de toute une famille. Si
le nombre de ce type de suicide a décliné depuis les années 50, il
existe toujours. Le scénario classique implique une famille prise dans
des tourments financiers. Les parents devant l'impossibilité d'assumer
leur famille financièrement ont parfois recours à
l'irréparable ; ce qui pourrait être vu comme un infanticide
s'explique très humainement par le fait qu'il serait inacceptable dans
la culture nipponne d'abandonner sa progéniture. Il reste une sympathie
populaire pour ce genre de cas. A ce titre, le fait-divers suivant est
intéressant, illustrant la fracture culturelle : peu de temps
après qu'elle eu appris la relation extra conjugale de son mari, une
américaine d'origine et de culture japonaise tenta de se noyer dans la
baie de Santa Monica ; elle plongea avec ses deux enfants en
bas age. Les secours furent rapides mais pas assez pour les mômes.
Seule la mère survécut. Elle fut jugée pour meurtre. Cette affaire fit
alors grand bruit au Japon où l'on s'étonna de la sévérité du jugement.
心中
Cœur
centre
L'idéogramme signifie
littéralement le « centre du cœur ». Il fait aussi
référence à une véritable intension, une motivation sincère. Ainsi,
avoir recourt à la mort volontaire implique une certaine sincérité. Le
Shinjuu est la preuve d'amour ultime, de la même façon que le Seppuku est la preuve
de fidélité ultime.
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